Friday, July 25, 2014

Karakol - Sary Tash: le jour le plus long!

Il y a toujours le jour le plus long dans un voyage, non?

En Amérique du Sud, c'était le jour de l'arrivée à Potosi en Bolivie… 81,5 kms et 3 cols au dessus de 4000…
http://tandemlatina.blogspot.be/2011/05/le-jour-le-plus-long.html

Cette fois ci, il n'y a eu "que" 71,3 kms et "seulement" deux cols au dessus de 4000m mais un vent de face impitoyable, d'une violence constante avec des rafales hallucinantes.

A partir de 13h, on n'a fait que lutter contre ce terrible vent sur une piste de tôle ondulée franchement pénible… on a fini la journée avec de la pluie glacée et un début de neige dans une descente vertigineuse sur une piste caillouteuse et glissante, on a traversé une rivière et on est arrivés au Kyrgyzstan où une herbe moelleuse nous a accueillis pour la nuit, ouf!
La nuit tombait… les tentes ont été vite montées, les noodles vite préparées et nos sacs de couchage ont été des refuges délicieux pour une nuit réparatrice après une journée aussi intense.
Ce jour là, je suis allée au delà de ce que je croyais être mes limites… Tout est dans la tête décidément…

Le matin est magnifique, pas un souffle de vent, le soleil est chaud, la lumière est splendide. Le lac est encore plus bleu est les sommets majestueux… on a envie de se poser au soleil et de bouquiner en levant le nez de temps en temps pour admirer la vue. C'est vrai, quelle idée d'aller encore pédaler… Il faisait si bon ce matin là.




On est prêts les premiers avec Gab. On démarre donc avant les autres… pour une courte illusion, qui ne durera que quelques kilomètres, d'avoir de l'avance sur eux!
La route est droite, en faux plat montant doucement… On monte vers le col de Uy Bulak à 4232m. On est déjà à 3900 dont la montée ne devrait pas être trop longue.
Un virage et hop, les vagues de montée commencent… la route ondule toute droite et monte par vagues d'un seul coup… on commence les zig zag avec Gab, la pente est à 10%, euh… ouais, on pousse! Le 10% au dessus de 4000, on n'y arrive pas!
On se felicite de ne pas avoir commencer trop tard, le vent n'est pas encore levé. Oui, pour ce col, le vent ne nous aura pas torturés… c'est toujours ça de pris!











Au sommet, une marmotte nous siffle…  Une stalovaya abandonnée a l'air misérable sur le bord de la route. On devine le froid qu'il doit faire ici en hiver. Tout est râpé, sec.


On entame la descente et on retrouve… notre ennemi préféré… le vent… de face!

On arrive dans une vallée qui ressemble à la lune… désert total dominé par des sommets enneigés et des montagnes qui deviennent rouges. On nous avait dit que c'était la plus belle partie de la route, ça se confirme.
Le vent est cruel, il est froid, incessant, fort…





On trouve un trou pour déjeuner. Ben oui, un trou… pour être à l'abri du vent… on se fait des noodles pour se réchauffer et on a bien du mal à redémarrer mais ce serait de toutes façons impossible de monter les tentes avec un tel vent. On n'a pas le choix, il faut juste avancer!

On redémarre, face au vent… tels des bateaux tentant de remonter au près… ça gite, ça penche, ça grince, les jambes chauffent, ça avance si doucement, tellement doucement, trop doucement… l'effort fourni est énorme pour un résultat minime. Quelle frustration!
Mais c'est beau, tellement beau… l'espace est immense, le massif du Pic Lenine, 7134m, est à notre gauche… le sommet Kurumdy, 6613m, à notre droite… wow!!










Je répète encore et encore à Gab: regarde Lapinou, comme c'est beau… oh là là, quelle chance on a d'être là, tu te rends comptes!?
Non, il ne s'en rend pas compte, pas encore… il sait juste qu'il a une maman un peu tarée qui l'emmène dans des endroits où il n'y a pas d'autres gamins! C'est bien une preuve qu'il y a un truc pas normal quand même! Hein Maman? pourquoi on voit jamais d'autres enfants avec les cyclos? Je suis toujours le seul!  C'est vrai Lapin… tu es toujours le seul, c'est dommage!
Et puis, quand je lui répète encore et encore que c'est si beau… je finis par entendre un ado américain derrière moi qui me lâche avec un accent à couper au couteau:
Hey Mam, focus on the road!!
Faites voyager vos gamins, je vous le dis!!

Heureusement que les lieux sont splendides car sinon, je crois que je me serais roulée en boule contre le talus pour attendre que ça passe… heureusement que le soleil est là aussi car je connais des cyclos qui sont passés par là sous des pluies battantes ou des tempêtes de neige!
Donc finalement, on a de la chance avec ce vent… et comme je dis à Thierry et Keirin… regardez bien autour de vous, le jour où vous serez enfermés dans votre bureau, vous repenserez à cet endroit en vous disant que c'était sacrement bien de se faire fouetter pour ce p…  de vent!!
Donc, enjoy!!
Sous nos coupes vents et nos épaules voutées, derrière nos cagoules et nos lunettes, il y avait donc des sourires… c'était trop beau!

On pousse et on pousse, on arrive à la sortie du district de Murgab: monument improbable avec la silhouette d'un yak, le même qu'à l'entrée du district, à quelques 300 kilomètres de là.


Et la montée commence… le poste frontière tadjique est juste avant le col de Kizil Art, 4280m… je dirais à 4-5 kms d'après la carte… quelques tournants et on arrive aux baraquements de la frontière.
Les copains nous attendent, j'arrive en poussant, épuisée, plus de force, cassée, la lutte contre le vent a eu raison de mon énergie… j'annonce aux autres que je suis finie… terminée… que je n'avance plus après la frontière...
On sort les passeports. Le gars voit mon visa diplomatique et me demande: mais pourquoi tu n'es pas venue en voiture!?? C'est vrai, une diplo en vélo, ce n'est pas sérieux!
Je demande au mec à combien de kilometres est le col… 1-2 kilomètres en montée douce.. ouais, j'y crois moyen…
On repart... ben si, on ne peut pas dormir aussi haut, on va avoir trop froid, il faut descendre… et donc passer le col d'abord… j'ai quand même les yeux qui balayent les bords de la piste pour trouver un endroit où camper, pas un gramme d'eau, des marmottes partout par contre… et, un virage… et... je reconnais le pylône de la frontière tadjique… le col, la frontière… la statue du Marco Polo… oh wow, le mec avait raison, on y est!
Yessssssss…




On quitte le ciel bleu du Tadjikistan pour un ciel kirghize chargé, sombre… brrrr… le thermomètre descend encore. La piste est boueuse et super raide pour descendre. Nos mains sont crispées sur les guidons et gèlent au fur et à mesure des virages. La pluie commence… c'est en fait de la neige fondue… ok, on continue les amis, on descend, on ne peut pas dormir ici avec ce temps pourri, c'est clair… on sort les pantalons de pluie, gants étanches. Gab est gelé, je sors donc toutes les couches pour le couvrir au max, il se met en boule derrière moi…
La descente continue encore et encore… on retrouve un peu de macadam, ça fait du bien… une rivière à traverser, il ne pleut plus mais on est à l'ombre, il fait un petit 5°. On vire les chaussures, Gab reste sur sa selle et Keirin m'aide à pousser le tandem à travers la rivière dans les pierres qui cognent mes pieds glacés, ouch…








Derniers kilomètres et on arrive au poste frontière kirghize… 500m plus loin, on se pose dans l'herbe… un troupeau de chevaux nous observent… l'herbe est épaisse, Gab s'est fait remplir les poches de bonbons par un des douaniers kirghize, ils les distribuent pendant le montage des tentes…

et… dodo… dans le silence absolu de cette magnifique nature...

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